Moi aussi je suis d'accord avec une partie de ce que tu écris. C'est la richesse de ce topic, d'ailleurs : autant je trouve que dans la vie il est très difficile de discuter sereinement de certains sujets sensibles, autant ici je me retrouve à prendre du plaisir à dialoguer avec des gens comme toi ou alexioninho alors qu'il n'y a pas plus opposés politiquement que nous. C'est appréciable, et pas si commun (d'habitude ça part vite dans les jugements personnels comme "sale facho réac", "sale coco", car peu de gens sont capables de débats d'idées quand les points de vue du contradicteur heurtent leurs certitudes)...
Pour en revenir à la discussion, à la différence de toi, je pense que la plupart des hommes qui abordent maladroitement et lourdement les femmes ne le font pas par volonté de domination même sporadique, mais pour essayer d'échapper à leur soumission. Et je ne parle même pas tant de leur soumission sociale que de celle qui caractérise leurs rapports de séduction avec les femmes. Quand un mec doit se résoudre à user d'efforts surhumains pour ne serait-ce qu'obtenir un regard féminin, car les injonctions sociales (et parfois les femmes elles-mêmes, c'est un fait) lui en demandent tant, tu ne me feras jamais dire que les hommes dominent les rapports de séduction. On domine plein de choses mais pas ça : c'est un domaine dans lequel elles mènent la danse. Les hommes vont souvent jusqu'à se rendre ridicule à ce niveau, car ils ne savent justement pas comment répondre aux attentes de la société sur ce plan, ce qui entraîne des comportements que tu considères sexistes.
Cette inégalité naturelle explique énormément de phénomènes, et pourtant on n'en parle jamais. C'est plus facile de se complaire dans l'idée que les hommes sont tous des méchants dominants qui oppressent par plaisir. Par exemple, la prostitution. Son existence s'explique exclusivement par cette réalité. Les femmes, dans leur immense majorité, n'en arrivent jamais à un point où elles doivent payer pour satisfaire leurs besoins sexuels minimaux. A contrario, une bonne frange d'hommes en est pitoyablement réduite à cela. Tu parles d'une domination masculine.
Enfin, tu auras compris que c'est un sujet qui me passionne (les rapports de séduction, etc), mais c'est difficile de le développer sur un forum, car il y aurait trop à en dire et je ne peux que résumer très grossièrement ma pensée. En fait, ça mérite un bouquin, pas un post sur poteaux-carrés.
Sinon, tu sais bien que je ne pourrais jamais adhérer à ta grille d'analyse marxiste des rapports de dominations. Ne serait-ce que parce que je déteste raisonner en terme de catégories, même si je suis parfois obliger de généraliser moi-même pour analyser des tendances. Pour reprendre ton exemple du couple, tu me diras qu'un bourgeois blanc exercera une triple domination (de genre, de race, de statut social) dans son rapport amoureux avec une prolétaire noire, alors que si ça se trouve, c'est elle qui le mènera à la baguette et l'oppressera en tous points, parce que si le marxisme est intéressant il a le fâcheux défaut de ne jamais prendre en compte l'individu. C'est l'un des nombreux problèmes que me posent les égalitaristes postmodernes, qui abordent souvent des situations par le seul biais de la catégorie sexuelle / raciale / sociale des individus concernés, sans évidemment s'intéresser aux individus eux-mêmes. Un homme a frappé sa femme ? Violence de genre, forcément. Un blanc tue un noir ? Violence raciste. Etc, etc. Alors qu'on ne sait rien des gens et des situations en question, de leurs spécificités. Même en admettant l'existence d'un racisme ou d'un sexisme institutionnel, elle ne permet que de dégager certaines tendances, très largement nuancées par les chiffres eux-mêmes (par exemple, la violence conjugale est vraiment très loin d'être unilatérale contrairement à ce que tout le monde pense). Et elle ne justifie en rien le fait de minimiser les préjudices subis par les membres d'un groupe dit dominant, car pour le coup, un blanc victime de racisme ou un homme battu est dans une situation de dominé, de victime réelle, et il mérite exactement autant d'attention qu'un autre. Ce que les fanatiques des minorités leur refusent, car comme je le dis, ils ne raisonnent qu'en catégories et jamais en personnes. Encore une fois, tout ne peut se concevoir par le prisme du sexe, de la race, du statut économique : il y a aussi l'expérience, la psychologie, le contexte, le caractère, qui peuvent être à l'origine tant d'autres rapports de force qui échappent aux égalitaristes.
Je ne nie cependant pas qu'il existe des rapports de domination spécifiques à certaines catégories (une femme subira certains préjudices propres à son statut de femme), mais en les pensant exclusifs ou même prédominants dans les relations sociales entre individus, on passe à côté de tout. Le fait qu'une personne ait une posture de dominant ou de dominé dans sa vie, professionnelle ou sociale, n'a majoritairement rien à voir avec la race, le statut social, le sexe ou l'orientation sexuelle. J'ai connu des hommes blancs de bonne famille qui ont sombré dans une situation misérable (carrément SDF) à un moment M, tout comme des femmes d'origine étrangère et de quartiers pauvres qui au même instant étaient devenues aisées voire bourgeoises grâce à un travail acharné : donc à ce moment M, qui est le dominé, qui est le dominant ? Comment tu analyses leurs rapports sociaux ? Et sont-ils imputables au capitalisme, au patriarcat, à la colonisation ?
Pour terminer, sur la question du patriarcat et du féminisme, justement, il est naturel que nous nous opposions car nous avons deux philosophies antagonistes en tout : ton marxisme, et mon conservatisme (libéral burkéen de surcroît, si encore j'étais nationaliste on aurait plus de points communs
Cela dit, je sais très bien que le fait de m'engager sur ce terrain là ne sera pas productif pour nos discussions, à partir du moment où il met en relief les différences inconciliables entre des philosophies et des visions du monde antagonistes qui sont les nôtres. Par exemple, pour toi toute inégalité en société est une discrimination de nature culturelle, alors que pour moi, la plupart des inégalités ne sont ni des discriminations ni culturelles. Mais le but était que tu me cernes complètement. Par contre, j'ai d'autres arguments contre le féminisme moderne que j'ai l'habitude de sortir quand je débats avec des progressistes et des égalitaristes. Je n'en fais plus une critique conservatrice, mais au contraire, une critique progressiste. Car il est très, très facile de démontrer que dans les faits, le féminisme actuel n'est pas égalitariste, et qu'il ne remet absolument pas en cause ce que vous appelez patriarcat dans sa totalité. Au contraire, sur bien des points, le féminisme exprime des idées tellement patriarcales que c'en est gênant, même pour un conservateur. On est face à une idéologie à deux visages : violemment déconstructrice et progressiste quand il s'agit de détruire tous les désagréments inhérents à la condition traditionnelle des femmes, ou de leur offrir des avantages, mais extrêmement réactionnaire quand ça l'arrange, à savoir lorsqu'il s'agit d'aborder les quelques aspects du patriarcat qui imposent d'importantes injonctions morales aux hommes, et qui placent les femmes en situation favorable. Exemple tout bête. Un mouvement féministe cohérent ferait des actions pour visibiliser les hommes battus qui sont sûrement les victimes les plus honteuses de la mentalité patriarcale, pourtant les féministes font juste tout le contraire : ils renforcent leur marginalité en résumant la violence conjugale à de la "violence faite aux femmes" malgré un chiffre minimal de 30% de victimes masculines (qui est inouï, considérant la différence de force physique entre les deux sexes). Les esprits les plus moyenâgeux n'auraient pas fait mieux.
De manière générale, les exemples sont vraiment légion, et je t'en fais 10 pages si tu veux. Et ce n'est même pas une critique à mes yeux, car indépendamment de la malhonnêteté inhérente à tout mouvement qui défend des intérêts communautaires, cet aspect patriarcal du féminisme s'explique aussi par la nature humaine. En effet, si par exemple les féministes sont les premières à développer le message très inégalitaire que la violence faite aux femmes est plus grave que la violence faite aux hommes, c'est parce qu'elles sont humaines et que leur nature profonde est conservatrice bien qu'elles l'ignorent. C'est instinctif, c'est en nous : on sait très bien qu'une société humaine peut survivre malgré la perte d'une très grande partie de ses hommes, mais pas de ses femmes. Alors une femme, il faut la protéger, la garder en bonne santé, parce que c'est dans l'intérêt de l'espèce. Si le cancer du sein récolte bien plus de fonds que celui de la prostate, c'est pour ça, hein. Tiré par les cheveux je sais, mais le pire c'est que c'est vrai !
Si l'homme ne peut pas se permettre d'être faible, c'est parce qu'il a en lui le devoir d'être fort pour défendre les femmes et donc l'espèce humaine. Les femmes en ont parfaitement conscience et c'est la raison pour laquelle elles sont naturellement attirées par les hommes protecteurs, entreprenants, etc. Comme l'homme possède cet instinct de protection, il n'a aucun mal à adhérer au féminisme quand ce dernier parle de violence de genre ou des malheurs divers de la femme, tu en es la preuve vivante. C'est pour lui la même logique que celle qui le pousserait à risquer sa vie pour défendre celle de son épouse en cas d'agression. Par contre, tu ne verras que très peu de femmes se lamenter sur quelconque souffrance masculine, ou risquer sa vie pour un homme. Ce qui est normal à mes yeux, et absolument non critiquable. Il n'empêche que des études scientifiques et des expériences sociales prouvent indéniablement cette réalité (entre un homme et une femme, tout le monde sauve la femme en priorité... pourtant qui lutte contre cette "inégalité" ?). La femme réserve son instinct de protection à ses enfants, et pas à l'homme "disposable" par nature, toujours dans l'intérêt de l'espèce. Et de la même façon, l'homme est complètement dépourvu de l'esprit de victimisation. Bref, tout cela pour dire que le féminisme n'est qu'une forme évolutive de patriarcat, qui se démarque seulement par son incohérence et ses caractéristiques inégales (tantôt contre-nature, tantôt défenseur suprême des inégalités naturelles). Et c'est ce même patriarcat, cette même nature humaine, qui empêche l'émergence d'un mouvement défenseur des intérêts masculins et du bien-être des hommes.
J'imagine que tu as envie de me traiter de tous les noms, si tu as eu le courage d'aller jusqu'au bout de cet affreux pavé réactionnaire. Mais en tant que passionné de droit, je vais en guise de conclusion te parler d'un procès, qu'aucun média n'a évoqué, car il a eu lieu dans un pays lointain, peut-être la Syldavie, je ne sais plus. Il s'agit d'un homme, qui a exécuté sa femme par arme à feu, par derrière, alors qu'elle était tranquillement assise sur sa chaise. Pour sa défense, il a dit qu'elle le battait, lui et ses enfants. Le problème, c'est qu'en plusieurs décennies de vie commune, rien ne le confirmait. Jamais une blessure constatée, jamais un arrêt de travail, jamais un certificat médical, jamais un témoignage extérieur, jamais une plainte. Pire, des témoins dépeignaient l'homme comme robuste, de fort caractère, soit tout le contraire d'un homme soumis qui se laisserait taper sans réagit. C'était un chasseur. Et un jour, il est même allé agresser l'amant de son épouse, par jalousie. Pour ces raisons, le jury l'a déclaré coupable et condamné à une peine de 10 ans de prisons. Evidemment, personne ne s'en est plaint, à part l'accusé. Les faits étaient trop tenaces. Les féministes s'en sont d'ailleurs félicitées, car la violence masculine, la violence de genre était enfin punie ! On ne tue pas sa femme, point. Justifier cela, qu'importe les circonstances, serait le retour des heures les plus sombres de notre histoire patriarcale.
D'abord, je voudrais savoir ce que tu penses de ce verdict. Maintenant, je vais te proposer un exercice très simple. Admettons, dans une perspective complètement fictive, que la situation soit inversée. Qu'avec les mêmes conditions, ce soit la femme qui ait tué son mari. Deux possibilités :
1) J'ai tort. Le féminisme est un mouvement égalitaire qui traite la violence féminine comme la violence masculine, et qui ne saurait vouloir octroyer à une femme l'avantage sexiste de pouvoir tuer impunément son mari dans le dos par vengeance, en raison de faits passés qu'elle-même est incapable de prouver. Soutenir cette femme, dans ces conditions, serait de la misandrie incompatible avec les nobles idéaux égalitaristes du féminisme. Il n'y aurait donc aucune différence dans le traitement de l'affaire par les médias et les associations en fonction du sexe du protagoniste.
2) J'ai raison. En dépit des faits qui justifient largement le verdict en question, les féministes hurlent leur indignation "sexiste" et inégalitaire, uniquement car il s'agit de défendre une femme face à un homme. Elles sont tellement influentes qu'elles touchent une grande partie de l'opinion publique, toujours sensible par nature à la défense des femmes en toutes circonstances, obtiennent une grâce présidentielle pour l'accusée.
Dieu seul sait ce qu'il adviendrait si une telle affaire apparaissait dans notre beau pays...
Je te laisse méditer.
Pardonnez moi tous pour l'énorme pavé, mais au moins tu as désormais mon avis complet et étayé sur un courant que je considère comme l'une des plus grosses hypocrisies de l'histoire des idées. Et pourtant, je suis moi-même un féministe libéral et non un réac' zemmourien, au sens où je me serais battu pour l'égalité en droit, qui représente pour moi une base fondamentale pour une société moderne.



