On parle de réformes au nom de la liberté des entrepreneurs pour satisfaire des gens qui ne sont plus des entrepreneurs.
De mon point de vue, l'impossibilité de virer quelqu'un relève de la légende urbaine. On va parler du cas du "licenciement de branleur", cas souvent brandi comme le mal français. (Et donc pas des licenciements économiques qui sont un autre problème).
L'étape la plus dure pour virer quelqu'un semble être de prendre la décision.
Et prendre une décision semble être un problème terrible pour un décideur(!), particulièrement quand il fait partie d'une chaine de commandement (c'est pas réservé aux multinationales, dès que tu dépasses 50 personnes, ça commence). Ce n'est pas le code du travail qui l'empêche de bosser, c'est son inaptitude à prendre une décision et l'assumer. Les strates de management à la française, basées sur des méthodes anglo-saxonnes mal digérées et servies par des personnels non formés tendent à éviter les conflits ouverts : tout doit rester feutré sous peine d'être accusé d'avoir mal géré (et donc de perdre du terrain aux prochain changement d’organigramme annuel :p ).
La conséquence, c'est que rien n'est clair, personne n'assume et on passe plus par des menaces permanentes, et des mesures de rétorsions mitigées sur le groupe comme une exigence de feedback renforcée, des changements d'attributions inexpliqués, des équipes séparées, des moyens/ressources qui disparaissent : en général ce qui fait mal aux "bons élèves", déjà contraints de compenser les manquements de leur équipe bancale, mais laisse les authentiques branleurs de marbre.
Aujourd'hui je préfère les boîtes où ton patron, c'est le patron, et où il y a au moins une personne qui connait le droit (lui-même, DRH, DAF, secrétaire de direction, qu'importe).
- Les licenciements sont faits et bien faits. S'ils y arrivent, c'est que c'est possible. Oui ça coûte de l'argent si c'est un ancien employé, mais on aura du mal à dire qu'il était "mauvais" tout ce temps si l'encadrement a fait son travail

- Les périodes d'essai sont suivies (parce que c'est un peu facile de dire qu'on peut pas virer un mauvais quand on s’intéresse pas à ce qu'il fait les 6 premiers mois), j'ai vu des gens rester après leur période d'essai parce que celui qui l'a recruté ne voulait pas se déjuger. Il y a un suivi parce que le patron sait pourquoi il embauche et sait ce que ça coute de se tromper.
- On accepte le conflit comme faisant partie de la vie d'entreprise, on lui laisse la place d'exister et de se résoudre et au pire, il y a quelqu'un capable de trancher (le patron). Il y a une certaine violence à licencier, mais ne pas oser licencier et se venger ad vitam par la suite, c'est pire.
Mais de plus en plus d'entreprises n'ont tout simplement plus de patron, j'ai même eu un patron en CDD : c'était un prestataire indépendant qui facturait sa présidence (!!!) Il a fait un plan d'action standard, changé les intitulé des postes de directions, nouveau logo, plan d'économies (pas d'augmentations, resserrement des notes de frais, rien de bien original), un sondage QCM "dites nous que tout va bien" et il est parti au bout de 2 ans laissant une boîte avec le même CA, le même résultat, le même turnover excessif, et les mêmes problèmes que quand il est arrivé (ce qui est déjà pas mal ^^).
Paralysie des décisions, dilution des responsabilités, absence d'implication des strates de direction dans la réussite globale de la boîte (on peut gagner beaucoup d'argent avec des boîtes qui n’en gagnent pas), communication par élément de langage et en sens unique. Ces problèmes là sont autrement plus impactant que le code du travail.
Je n'ai pas voyagé, je ne sais pas comment ça marche à l'étranger, mais ce que j'ai vu en France :
- c'est que le code du travail n'est déjà pas complètement appliqué, pas plus que les conventions collectives, faute d'instance de contrôle efficace. Les abus se voient sur les salaires des gens inexpérimentés, d'origine étrangère ou fragiles, sur les conditions de départ de ces même personnes ("signe là"), les locaux, ou les instances internes (DP, CHSCT). Quelques scandales, mais surtout beaucoup de "gratte" sur des sujet qui ne méritent pas qu'on crée un conflit.
- Les salariés ne se défendent que peu ou pas, et jamais collectivement, sauf quand ils sont cuits.
- Ils n'ont souvent pas de méchant patron en face : ils n'ont personne d'identifiable, juste un manager de proximité qui relaie les ordre d'en haut.
Bref, je n'ai jamais eu l'impression qu'on bridait beaucoup l'entrepreneur
