Article paru aujourd'hui sur le site de
L'Express. Il a sa place dans le présent topic car il permet de contextualiser le bugdet contraint de certains grands projets locaux.
Saint-Etienne dans la mécanique infernale de la dette
Le rapport que vient de produire la Chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes sur la gestion financière de la commune met en évidence l'infernale mécanique des emprunts structurés.
La polémique ressurgit au plus mauvais moment pour la ville de Saint-Etienne. Alors que la biennale du design -cette grande fête censée redorer l'image de la commune- vient de fermer ses portes, la préfecture de la Loire doit à nouveau s'expliquer sur sa gestion financière passée. Un rapport publié le 6 décembre par la régionale des comptes de Rhône-Alpes pointe l'"extrême sophistication de la structure de la dette" et dresse un constat sévère à l'encontre de la gestion de l'ancien maire (UMP), Michel Thiollière.
C'est là que réside le principal intérêt du rapport: sur une vingtaine de pages, les magistrats enquêteurs ont disséqué plusieurs contrats noués par la ville entre 2004 et 2007 (avec notamment Depfa Bank, Dexia, Natixis et Royal Bank of Scotland). Jamais une autorité indépendante n'avait étudié avec autant de détails la complexité de ces produits financiers. Ni la succession des renégociations.
A lire ces lignes, l'impression qui demeure est celle d'une forme de fuite en avant de la part de la collectivité: chaque fois que les positions risquaient de devenir moins intéressantes, la ville renégociait avec l'établissement bancaire afin de masquer les pertes potentielles pendant une période donnée, quitte à les reporter à plus tard. Le résultat est connu: entre 2005 et 2007, 70% de la dette de Saint-Etienne était constituée d'emprunts à risque! Une folie...
Négligences à tous les étages
Au fond, c'est une forme de faillite collective qui se trouve ainsi détaillée dans le rapport de la Chambre régionale des comptes. Faillite des élus, bien entendu qui n'auraient jamais dû spéculer ainsi sur les deniers publics. Dans le cas stéphanois, les magistrats montrent que jusqu'en 2008, "cette gestion a progressivement échappé à la ville" et "qu'elle été conduite par un groupe d'experts définissant et mettant en oeuvre cette politique, sans que le conseil municipal y soit pleinement associé."
Irresponsabilité des banques, également, qui ont proposé à la collectivité ces produits. Même si, comme le reconnaissent les auteurs, certains établissements "ont apporté la preuve qu'ils avaient valablement averti la ville des risques encourus (...) et que c'était en conscience que celle-ci avait délibérément choisi de retenir des instruments risqués".
Négligence enfin de l'Etat qui n'a pas vu les collectivités s'engager aussi loin sur ce chemin à hauts risques. En fait, ce n'est que depuis l'éclatement de la crise financière que le gouvernement a compris l'urgence de mieux encadrer ces pratiques. La charte "Gissler" signée en 2009 a en partie répondu à l'objectif. "Mais elle ne vaut que pour l'avenir et ne donne pas de solution aux collectivités aux prises avec des risques ingérables", note Maurice Vincent, le nouveau maire (PS) de Saint-Etienne. Lequel se tourne à nouveau vers Christine Lagarde pour l'aider à sortir de l'impasse.
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Depuis son élection, en mars 2008, Maurice Vincent, le maire socialiste de Saint-Etienne, a divisé par deux la part des emprunts toxiques dans la dette de la ville. "Nous sommes passés de 70% à 34%, détaille le maire, mais les cinq ou six produits restants deviennent très difficiles à gérer. Seuls, nous ne parviendrons pas à les renégocier avec les banques car les risques sont trop élevés."
A titre d'exemple, pour sortir d'un emprunt de 20 millions d'euros, Dexia demande à la commune de payer une somme supérieure à... 10 millions. Impossible, dans ces conditions, de trouver un accord, même en partageant les frais. Maurice Vincent a donc annoncé son intention de se tourner vers l'Etat. L'enjeu est d'autant plus élevé que le cas stéphanois est loin d'être isolé. Plusieurs départements, de nombreuses communes et sociétés HLM, quasiment toutes les Régions et tous les CHU possèdent en effet dans leur portefeuille ce type de produits. "Je vais proposer à Christine Lagarde et Brice Hortefeux de créer une structure de 'défaisance'", indique le maire. Son idée: sortir les emprunts des organismes publics, les confier à des professionnels et faire payer les pertes par le système bancaire et l'Etat. Montant de la facture: sans doute plusieurs milliards d'euros.
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"Celui qui se perd dans sa passion est moins perdu que celui qui perd sa passion" (Saint-Augustin)
"Allez les Verts !" (Saint-Etienne)