Michel-Ange wrote: ↑02 Mar 2020, 11:17
Je viens de te démontrer que tu as tort (ce que tous ceux qui connaissent un minimum le fonctionnement de nos institutions savent).
Arrête de raconter des âneries et de t'enfoncer.
Je suis donc en bonne compagnie au bal des ânes.
Ma position, c’est celle de Marc Milet (maître de conférences en droit à Panthéon-Assas), (RFAP, 2010) énoncée dans l’article « Pour une sociologie législative du pouvoir des parlementaires en France » :
(extrait du résumé) : Une telle démarche permet alors de véri?er l’hypothèse selon laquelle la capacité d’amendement des projets de lois gouvernementaux pour les députés se révèle plus grande sur des textes techniques qui offrent une plus faible potentialité de polarisation idéologique et donc de politisation.
(dans le corps du texte) :
s’agissant de lois « politiques », au terme de la procédure parlementaire, on assiste in fine à la validation de la position gouvernementale et au recul des parlementaires
Comme c’est un vieux texte, j’ai fait un tour rapide sur Cairn (je suppose que tu connais) – recherche : « pouvoir du parlement », sur les 3 dernières années.
Après une lecture très superficielle (je le concède), j’ai pris les 4 premières entrées qui me semblaient correspondre au sujet. Ci-dessous, dans l’ordre où elles apparaissent, et sans trahir (j’espère) la pensée des 2 auteurs qui ne vont pas dans mon sens. Il n’empêche que même ces deux-là écrivent des choses comme « Les récents chefs de l’État ont même plutôt eu comme inclination de concentrer le pouvoir exécutif au palais de l’Élysée », « la lecture très orientée que cherche à imposer le pouvoir exécutif [actuel qui aboutira] à marginaliser durablement le pouvoir législatif », ou encore « Le gouvernement introduit enfin fréquemment des amendements importants au moment de la séance que la commission n’a donc pas eu la possibilité de discuter ».
Dans la revue Commentaire, en 2018, 2 articles :
- Retour sur la révision de 2008 et sur les pouvoirs du Parlement, Jean-Jacques Urvoas (ancien Garde des Sceaux et président de la Commission des Lois"
A propos de ladite révision (dont la simple existence prouve qu’il y a bien un problème institutionnel de fond) :
" Pour les thuriféraires du Président, notre loi fondamentale était profondément remaniée au bénéfice pour l’essentiel du Parlement. Pour ses adversaires, la plupart des changements relevaient du trompe-l’œil, les assemblées restant confinées dans leur historique fonction de tâcheron législatif. Le recul du temps nourrit de l’observation de la pratique – et aussi d’une certaine expérience – conduit à relativiser ces premiers jugements par trop tranchés.
Ainsi à l’évidence, la nature profonde du régime est demeurée inchangée. La Ve République reste cet étrange hybride entre prééminence présidentielle de fait et persistance d’institutions en théorie parlementaires.
Les récents chefs de l’État ont même plutôt eu comme inclination de concentrer le pouvoir exécutif au palais de l’Élysée au grand dam de leurs différents Premiers ministres. Mais, pour autant, il faudrait beaucoup de mauvaise foi pour nier les évidents progrès concernant le pouvoir législatif.
(…)
Dix ans de pratique ont ouvert des chemins grâce à l’action de tous ceux qui partageaient une conviction :
l’extension des pouvoirs du Parlement constitue un élargissement de la démocratie. Dès lors, pour les députés de la XVe législature [les actuels], l’enjeu est simple : soit ils acceptent la lecture très orientée que cherche à imposer le pouvoir exécutif et alors ils ne parviendront qu’à marginaliser durablement le pouvoir législatif, soit ils choisissent d’exercer la totalité de leurs prérogatives en préservant les acquis de la Ve République et ils démontreront que si le Parlement est pleinement respecté, il n’a nul besoin d’être « revalorisé ». »
Or il me semble qu’on a suffisamment entendu de députés (ex) En marche se plaindre de l’attitude de l’exécutif à leur égard, et ce d’autant que ce sont pour la plupart des novices. JJU, à un moment donné, dit que ce sont les pratiques qui font la réalité du droit (ou quelque chose dans le genre…). Il reste optimiste. Tant mieux pour lui…
- Des infortunes de la révision constitutionnelle, J-E Schoettl, Conseiller d'Etat, ex secrétaire général du Conseil constitutionnel
« Prenons la procédure législative. En 2008, à la suite du rapport du « comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République », présidé par Édouard Balladur, on décide de tempérer le parlementarisme rationalisé voulu par Michel Debré en restituant certaines prérogatives au Parlement (maîtrise de l’ordre du jour, discussion des projets de loi sur la base du texte voté en commission…). En 2018, estimant que le curseur a été poussé trop loin en faveur des chambres, le gouvernement entend corriger le tir en renforçant le pouvoir de l’Exécutif sur l’ordre du jour parlementaire, en disciplinant la production des amendements et en raccourcissant la durée des débats… »
On ne saurait être plus clair. Si le peu d’autonomie qu’avaient les parlementaires est encore trop pour l’Exécutif, on se demande bien ce qu’il va leur rester…
- La 5è république, un coup d’Etat permanent ?, Delphine Dulong (maître de conférence en science politique, Panthéon-Sorbonne), in « Manuel indocile des sciences sociales » (2019)
Tout l’article vaut le coup, si tu as un accès. Mais je me contente de copier la conclusion de l’article :
La Ve République marche sur la tête :
le président gouverne à la place du Premier ministre, le Conseil constitutionnel contrôle et censure les projets du gouvernement à la place des parlementaires, ces derniers désertent du coup l’hémicycle et s’occupent en circonscription de leurs électeurs et de leur réélection. Tour cela ne serait pas si grave si, dans ce régime parallèle au droit, ceux qui exercent le pouvoir devaient rendre des comptes aux citoyens et étaient révocables. Mais il n’en est rien. Il n’y a donc aucune morale à cette histoire.
- De la difficulté d’être un parlement normal, Olivier Rozenberg (professeur à Sciences Po), in « La 5è démystifiée » (2019)
Article beaucoup plus dans la lignée « le parlementarisme ne marche pas si mal », et pourtant, quand on lit le passage sur la procédure législative..
4. Une procédure législative chaotique. Les quelque 500 lois (hors accords internationaux) votées entre 2008 et 2019 ont été examinées en moyenne pendant huit mois et demi.. Cette durée moyenne, légèrement supérieure à celle de nos voisins allemand et britannique, masque une forte diversité de situations. Certains projets sont transmis tard, étudiés rapidement en commission (et parfois en séance), puis sont comme oubliés plusieurs mois avant l’examen en séance (ou leur transmission à l’autre chambre). La procédure accélérée est fréquente, ce qui rend inopérante la garantie des six semaines d’examen en commission posée en 2008. Elle fut utilisée pour 61 % des quelque 500 lois adoptées de 2008 à 2019. En outre, les observateurs témoignent du caractère répétitif de la procédure. La montée en puissance des commissions depuis 2008 ne s’est en effet pas traduite par une baisse du nombre des amendements de séance, contrairement aux intentions de ses initiateurs. Il y en a toujours autour de 20 000 par an à l’Assemblée, contre la moitié au Sénat. La séance devient en quelque sorte une seconde lecture au sein de la même chambre. Les propositions rejetées en commission reviennent en deuxième semaine en séance où elles subissent le même sort. La surcharge de l’activité parlementaire qui résulte de ce dédoublement, ainsi qu’
une fréquente désorganisation de l’agenda législatif du gouvernement, conduisent à dégrader les conditions d’examen des textes.
Le gouvernement introduit enfin fréquemment des amendements importants au moment de la séance que la commission n’a donc pas eu la possibilité de discuter. La désorganisation de la procédure se trouve accentuée par la multiplication de grosses lois portant parfois sur des enjeux hétérogènes. Ces projets, qui s’expliquent partiellement par la faible disponibilité du temps de séance, sont souvent trop tentaculaires pour être examinés sereinement.