Michel-Ange wrote:OSWALDO84 wrote:Au-delà du dédain et de l'irrespect portés par notre président au jeune horticulteur, il y a un aspect fondamental à prendre en compte :
Que doit-on faire de notre vie ?
Travailler à tout prix, faire n'importe quoi, dans n'importe quelles conditions et pour n'importe quel salaire avec n'importe quel contrat de travail qui ne permettront rien d'autre que de survivre sans pouvoir se projeter ou construire ? Alors oui, vas faire la vaisselle dans le bistrot d'en face avec des horaires à la con sur un contrat précaire payé au lance-pierre et tu ne seras plus chômeur !
Renonce à tes aspirations, quel que soit ton talent, ton plaisir, ton envie, ta compétence, le temps et l'argent que tu as dépensé pour te donner les moyens d'apprendre, arrête de vouloir vivre et contente toi de survivre ...
Prive notre société de ton enthousiasme et de ton talent ...
Allez ... traverse la rue et, si tu te fais écraser, pas grave ... y'a plein de gens qui font le trottoir !
En même temps, l'immense majorité de gens font un travail qui ne les passionnent pas. C'est un peu un biais de la société de loisir/consommation que de laisser entendre qu'un travail devrait être nécessairement "épanouissant", alors que dans les faits, c'est plutôt l'exception (enfin, il y a une gradation, bien sûr). Si on revient au fondamentaux, oui, on doit travailler pour assurer sa subsistance et, plus largement, celle de sa communauté, et ça s'oppose plutôt, par essence, au
temps pour soi. Que faire de ce
temps pour soi, d'ailleurs, ce serait sans doute une question encore plus intéressante.
Disons que t'as quand même eu un glissement énorme dans le contenu du travail : le paysan du XIXè, il en chiait comme un rat mort dans les champs, mézenfin le fruit de son travail lui revenait en priorité, et le contact avec la nature, et la camaraderie, etc., faisaient que son travail, aussi dur soit-il avait un sens profond qui le motivait à se lever le matin. L'artisan, et ses employés plus ou moins exploités, avaient aussi la chance de pouvoir se consoler avec l'apport inestimable mais non mesurable (et donc nié...) que représente la satisfaction de créer un truc de ses dix doigts.
Aujourd'hui, le col bleu ou le col blanc de base, son boulot ne lui permet que rarement de créer quoi que ce soit, il se situe souvent dans des environnements tristes à mourir (usine ou bureau ou supermarché, etc.), et en plus sa plus-value est largement captée par d'autres puisque le capital est rémunéré de manière totalement exagérée. Rajoute à cela que 80% d'entre nous (estimation à la louche) sommes confinés à des tâches dont le principal point commun est d'être désincarnées, donc sur lesquels on peut mettre à peu près n'importe qui de formé correctement (voire, de plus en plus, un robot), donc qui nient la singularité des individus, et t'as un cocktail qui fait que le boulot, c’est juste une corvée qui rend dingue. Même à la Silicon Valley ils ont compris, puisqu'ils embauchent des chargés de mission bonheur au travail (Chief happiness officer, ou truc dans le genre).
La société de consommation (qu'on devrait appeler "industrielle", pour être honnête et ne pas s'arrêter aux conséquences) n'a pas créé la revendication de l'épanouissement au travail. Elle a supprimé l'épanouissement naturel, fut-il partiel et limité, que le travail offrait spontanément dans la plupart des cas. Et je dis ça j'invente rien, y a plein de penseurs du XIXè (aux premières loges de la destruction, quoi) qui en parlent, continués par d'autres au XXè et au XXIè, sans parler des écrivains.