[HS] Management et communication dans le sport

Discussion générale sur l'ASSE

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Platoche
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[HS] Management et communication dans le sport

Post by Platoche »

Je pose ça là (je ne sais pas si ça vaut ouverture d'un topic dédié, on verra bien, on fermera si il faut), mais je trouve cet article assez intéressant.

Management et communication dans le sport : Bielsa, Mourinho, Nietzsche... la fin du voyage (Philippe Rodier)

https://www.linkedin.com/pulse/manageme ... ho-rodier/

extrait de L'entraîneur idéal (Hugo Sport, 2017)
« Le Surhomme de Nietzsche est de nature égale au divin. Il est au-dessus des hommes et plus haut des hommes que ceux-ci le sont du singe. Il ne doit pas se soucier des hommes ni les gouverner : sa seule tâche est la transfiguration de l’existence. »
Richard Roos.
– Qui était-il ?
– Il était Edmond Dantès… Il était mon père et ma mère, il était mon frère, mon ami. Il était vous, il était moi. Il était chacun de nous.
V for Vendetta.


Le 2 mai 2014, l’Olympique de Marseille annonçait la signature de Marcelo Bielsa pour deux saisons en faveur du club phocéen. L’histoire d’amour entre le vainqueur de la Ligue des champions 93 et El Cabezón (le borné) sera finalement plus courte que prévu, en raison de divergences d’opinions avec sa direction (celle du célèbre « projet Dortmund »), et va nous permettre de terminer notre périple sous le soleil de l’Argentine. De source sûre, la misère y serait moins pénible.

Peu de temps après son arrivée, El Loco avait pourtant annoncé la couleur en conférence de presse en ciblant ouvertement son président, Vincent Labrune, pour l’avoir quelque peu dupé sur la nature du projet marseillais. Les prémices d’une relation tumultueuse entre la direction phocéenne et son entraîneur. Avec Bielsa, le respect de l’ordre et de la morale ne se négocie pas : « Le bilan de ce marché des transferts est négatif. Je crois que le président m’a fait des promesses qu’il savait intenables. Aucun joueur n’est arrivé à mon initiative, j’ai proposé 12 options et aucune ne s’est concrétisée. » Une saison plus tard, l’Argentin annonce son départ après la défaite face à Caen (0-1, le 8 août 2015), à la surprise générale, et par quelques mots qui sonneront comme l’anéantissement d’un doux rêve pour le peuple marseillais : « J’ai terminé mon travail ici, je vais rentrer dans mon pays. Je ne peux pas accepter la situation d’instabilité (qui plane au-dessus du club). » Un dernier tango après avoir éclaboussé le Championnat au gré d’un football chatoyant et d’une personnalité atypique. Fallait-il en vouloir à Bielsa pour avoir quitté le navire phocéen ? Voici la dernière étape de notre voyage. Une dernière question pour mettre un terme à la recherche de notre homme mystère : « Parce qu’il était libre, Nietzsche savait que la liberté de l’esprit n’est pas un confort, expliquait Albert Camus dans les douces pages de L’Homme révolté (1951), mais une grandeur que l’on veut et que l’on obtient de loin en loin par une lutte épuisante. » Et si c’était Bielsa qui avait raison ?

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« Le but de tout art (s’il n’est pas “consommé” comme une marchandise) est de donner un éclairage, pour soi-même et pour les autres, sur le sens de l’existence, d’expliquer aux hommes la raison de leur présence sur cette planète ou, sinon d’expliquer, du moins d’en poser la question. »
Andreï Tarkovski

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Dans l’univers de la philosophie, les notions de surhomme et de volonté de puissance sont les deux pierres angulaires pour une étude approfondie de la pensée nietzschéenne. Elles sont même indissociables l’une de l’autre, à partir du moment où la volonté de puissance amènera à se rapprocher de ce concept idéal de surhomme présenté par Nietzsche au fil de son œuvre, et notamment à travers son Ainsi parlait Zarathoustra (publié entre 1883 et 1885), repris à souhait en littérature ou au cinéma. Cette voie du surhomme, selon Nietzsche, est le contraire de ce que propose la modernité. Dans un monde « débarrassé de Dieu et des idées morales, l’homme est maintenant solitaire et sans maître » à la recherche d’une direction pour donner un sens à son existence et à celle de ses semblables, pour qui acceptera d’écouter son message (Bielsa ne se défend jamais, le surhomme n’a pas le temps de se soucier des vents contraires qui pourraient obscurcir son message).

À la question « qui est le surhomme ? », il convient de répondre qu’il est celui qui propose quelque chose de nouveau et devient créateur, plutôt que spectateur ou simple acteur. Son chemin pourra être tragique, mais « l’important est la noblesse des moyens employés » durant son voyage. Son esprit ne trouvera « sa véritable émancipation que dans l’acceptation de nouveaux devoirs ». Avec Bielsa, c’est tout le paysage moral [1] qui change à partir du moment où l’Argentin nous interroge sur le rapport entre résultat et émotion, rationalité et désir d’utopie, émancipation de l’esprit et conscience du monde qui nous entoure. Au-delà d’une idée de jeu, Bielsa nous transmet sa propre vision de notre époque à travers sa passion et ses bons mots. El Loco est un homme du peuple : « Envers le public, nous avons des devoirs, jamais des droits. Je me demande seulement ce que nous devons offrir, et pas l’inverse. » Les grands hommes agissent toujours dans un intérêt qui les dépasse : « Le football ressemble de moins en moins aux supporters et de plus en plus aux hommes d’affaires. » Avec éloquence, Menotti dirait que Bielsa « dignifie la profession d’entraîneur ». S’il admet sans détour « mourir après chaque défaite », Bielsa se refusera toujours à renier ses supporters en proposant un football cynique et minimaliste. En quittant la cité phocéenne, le natif de Rosario nous adresse surtout un message clair et limpide : il faut savoir se révolter face à l’adversité, peu importe sa nature ou son origine. C’est le propre de l’Amor fati (locution latine introduite par Nietzsche au cours du xixe siècle), qui signifie « l’amour du destin », « l’amour de la destinée » ou, plus simplement dit, le fait d’« accepter son destin ».

Dans son Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche utilise l’image d’un danseur de corde pour évoquer la persévérance et l’audace. Une incitation au dépassement de soi et à l’émancipation de l’esprit face à la morale mortifère de la vox populi (la « voix du peuple », celle des agneaux ou, plus simplement, celle du troupeau trompé par son berger dans la pensée nietzschéenne). En plein voyage, au plus près des bois, Zarathoustra arrive en ville et trouve une foule rassemblée sur la place publique, dans l’attente de la démonstration d’un funambule. Âme bienveillante en quête de spiritualité, Zarathoustra annonce alors au peuple que « l’homme doit être surmonté », tel est son enseignement : « l’homme est un pont et non un but : qu’il se dit bienheureux de son midi et de son soir, comme chemin vers de nouvelles aurores ». Lorsque Zarathoustra termine son discours, la foule se moque de lui à la manière d’une meute avide de sensationnel et de joies éphémères. Incompris, Zarathoustra ne peut que contempler le danseur de corde s’élancer au-dessus de sa tête avant de glisser, puis chuter vers les abîmes, pendant que la foule s’empressait de se disperser pour laisser place à l’endroit où le corps allait s’abattre. Zarathoustra, lui, fidèle à ses principes, ne bougea pas et resta de marbre avant d’apporter la bonne parole au malheureux, blessé et quelque peu humilié après sa danse macabre.

Avoir essayé, voilà la véritable nature de sa victoire. Chez Nietzsche, l’homme fort est celui qui aime le danger, quand le faible préfère assurer ses arrières avec une certaine forme de cynisme. Ainsi, la corde de notre funambule (et donc sa chute, par la même occasion) symbolise le chemin vers cette notion de surhomme et de volonté de puissance. C’est l’image de la prise de risque, puisque la liberté de l’esprit ne peut s’acquérir qu’avec de l’audace et le désir de casser la pensée dogmatique, et non en jouant la sécurité sous couvert de conformisme intellectuel. Ce sont les fous qui nous éclairent le mieux sur notre époque. Il suffit de regarder qui gouverne pour le comprendre.

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« Il m’arrive rarement d’être découragé. Les Lakotas, peuple sioux d’Amérique, m’ont appris qu’un guerrier doit se concentrer uniquement sur l’action, jamais sur le résultat. Ce qui compte, c’est de faire ce que nous estimons juste de faire, aujourd’hui, dans l’action présente. Ensuite, les gens choisissent d’écouter ou pas. Un proverbe indien dit : “Informe les gens une fois. S’ils ne t’écoutent pas, ce n’est plus ton problème, continue ton chemin”. Moi, je continue à agir. Comme quand j’avais 11 ans. »
Paul Watson, militant écologiste canadien

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Pourquoi tant d’éloges ? En soi, le football proposé par Marcelo Bielsa est très simple, rudimentaire, même, mais ce qu’il procure est presque unique parce qu’il découle de tout un univers mystique façonné autour de ses convictions et d’un esprit conquérant contaminant la plèbe avec élégance. Un personnage hors norme. Partout où il est passé, à la manière d’un Robin des Bois volant aux riches pour donner aux pauvres, l’Argentin a transfiguré ses semblables en un temps record. Bielsa a-t-il vécu dans la forêt de Sherwood ? Dans un autre monde, très probablement. « Son unique folie, c’est son excès de vertus », abonde Jorge Valdano. Céline, autre adepte du Voyage (1894-1961), disait qu’il fallait « payer de sa personne pour être écrivain ». À Marseille, Bielsa a payé de sa personne pour nous livrer son message. Quand l’Argentin montrait la lune, l’idiot regardait son doigt (l’absence de Doria sur la fiche de match, l’inclinaison de son regard ou sa présence sur une glacière depuis le bord de la touche). S’en est-il offusqué pour autant ? Jamais. Bielsa a toujours fait preuve d’une grande courtoisie face à la meute. Sa seule tâche était la transfiguration de l’existence.

Dans le microcosme de l’art, il y a des peintres qui nous apprennent à percevoir le monde (la nature et l’histoire) sous différents angles (Michel-Ange, Picasso, Klee, Monet…), des poètes qui nous éduquent sur l’amour (Musset, Rimbaud, Baudelaire, Brel, Brassens…) et, dans le football [2], il y a des entraîneurs qui nous enseignent des valeurs élémentaires en apportant de la dignité à leur profession (Bielsa, Simeone, Guardiola, Klopp, Favre, Sampaoli, Conte, Emery…). Ils sont les éducateurs de notre bon goût, ceux qui récompensent les « mendiants de bon football ». En 2000, devant les élèves du Colegio Sagrado Corazón de Rosario, en Argentine, berceau du Che ou encore de Lionel Messi, Bielsa explique : « Vivre oblige à hiérarchiser des vertus, on doit avoir conscience des vertus qu’on admire chez les autres et que l’on voudrait faire siennes, celles que l’on respecte, que l’on valorise. Personnellement, le sport a été mon grand paramètre. Avec le sport, j’ai appris que la générosité était meilleure que l’indifférence, j’ai appris la signification et la valeur du courage, l’importance de l’effort et, aussi, la transcendance de la rébellion. Ce sont les trois ou quatre éléments selon lesquels j’ai essayé d’orienter ma vie. Ces vertus ne doivent pas forcément être celles qui doivent être choisies, mais il est indispensable que chacun ait conscience des vertus autour desquelles il veut organiser son existence. » Ainsi, quel sera votre choix ? Un symbole de l’intégrité et de la méritocratie façon El Loco, ou un chenapan, incorrigible et atteint du syndrome de Peter Pan à la José Mourinho ?

En vérité, Bielsa n’est pas mon entraîneur préféré. Pendant deux années à peaufiner cet ouvrage à la recherche d’une vérité illusoire, j’ai pensé pouvoir vous duper sur la fin et vous révéler l’identité d’un entraîneur idéal qui ne le serait pas. D’ailleurs, je ne pense pas qu’il existe d’entraîneur idéal, mais simplement des hommes qui ont adopté des trajectoires différentes, des chemins différents. Tous ont quelque chose de « spécial » en eux, chacun à leur manière, avec leur propre style, leurs propres convictions.

Néanmoins, si notre entraîneur idéal a existé, d’une certaine façon, nous pourrions dire qu’il s’est envolé au printemps dernier, décédé des suites d’un cancer, à Barcelone, au plus proche de sa Chapelle, après avoir influencé l’ensemble des hommes disséqués à travers notre voyage. Il porterait les initiales du Christ et nous l’appellerions le « Père du jeu ». Un héritage inestimable offert au football et à des milliers d’entraîneurs contaminés par ses préceptes.

Ainsi, si votre préférence va à Antonio Conte plutôt qu’à Marcelo Bielsa, Diego Simeone ou encore Pep Guardiola, personne ne vous en voudra : 007 vivait bien à Chelsea dans les romans de Ian Fleming, à King’s Road (sur « la route du roi ») plus précisément. D’autres préféreront forcément José Mourinho, personnage théâtral et sulfureux, la réplique humaine d’HAL 9000, « la quintessence de l’intelligence cybernétique », présenté par Stanley Kubrick dans son 2001 : l’Odyssée de l’espace (référence directe au surhomme de Nietzsche). Une intelligence artificielle machiavélique « capable de reproduire la plupart des opérations du cerveau humain, et cela avec une vitesse et une précision infiniment plus grande », qui « ne doute jamais de ses capacités » puisqu’il « fait partie de la série la plus perfectionnée que l’on connaisse ». Plus fort encore, un appareil qui n’a « jamais commis d’erreur ou même déformé un renseignement », « parfaitement au point » et « incapable de se tromper » : en gros, the Special Computer.

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« La vie est un combat perpétuel, accompagné de la certitude d’être vaincu. »
Arthur Schopenhauer
« Se souvenir que la mort viendra un jour est la meilleure façon d’éviter le piège qui consiste à croire que l’on a quelque chose à perdre. »
Steve Jobs

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Principalement, ce qu’il faut retenir de notre voyage, c’est l’importance de la « méthode ». Pour n’importe quel entraîneur, elle est la clé de voûte afin d’atteindre son objectif premier, donner une véritable identité de jeu à son équipe : « Je ne peux pas dire que j’ai inventé quelque chose durant ma carrière, développe Bielsa, modeste et quelque part lucide sur la réalité de son football, mais j’ai observé ce que font les grands joueurs sur le terrain. J’ai donc essayé de convertir cela en messages à faire passer aux joueurs avec lesquels je travaille. J’essaye de leur montrer comment on peut produire du beau jeu et être efficace en me basant sur le talent des grands joueurs. On donne peut-être une dimension démesurée aux entraîneurs. Finalement, c’est un récit : on prend exemple sur les grands joueurs et on essaye de calquer ce qu’ils font pour les nôtres. Ce sont des scénarios que l’on tente de reproduire. » L’image de notre metteur en scène n’est jamais vraiment bien loin. Passionné et éduqué à l’observation de ses pairs, à l’image du petit Quentin Tarantino travaillant dans un vidéoclub avant de devenir l’un des personnages les plus importants du 7e art.

En 2011, le magazine So Foot rapportait une histoire relatée par Matias Manna, un geek argentin qui avait contacté Guardiola par mail alors que celui-ci n’était encore qu’au prélude de sa carrière d’entraîneur. La passion, voici le moteur premier de tout explorateur : « Il m’a répondu et s’est toujours montré ouvert. Un jour, un de ses mails disait qu’il venait en Argentine et il a proposé une rencontre. On a passé une journée ensemble. On a beaucoup parlé de football. Je lui ai offert le livre Lo Suficientemente Loco, une biographie de Marcelo Bielsa. Il m’a remercié et est allé déposer ses affaires dans sa chambre d’hôtel. Quand il est redescendu quelques minutes plus tard, il m’a parlé de quatre ou cinq concepts de jeu qui se trouvaient dans le livre. C’est-à-dire que, dans l’ascenseur, sur le chemin du retour à sa chambre, il avait déjà compris l’essentiel du bouquin. »

En 2012, devant un parterre d’étudiants mexicains aux côtés de Tony Blair, Carlos Slim et Lula, l’homme qui dévore des livres plus vite que son ombre raconte : « Ma plus grande chance a été de découvrir tout petit quelle était ma passion. Je suis né dans un tout petit village d’un pays qui s’appelle la Catalogne, à 70 kilomètres de la capitale, Barcelone. Et un jour que j’étais dans ce village, un ballon est arrivé vers moi. Et j’ai fait cela (il mime le geste d’une passe de l’intérieur du pied). À ce moment précis, j’ai ressenti quelque chose qui m’a marqué et qui m’a aidé plus tard à me dire : voilà ce que je veux faire dans la vie. Ce fut pour moi comme une libération. C’est ma grande chance, avoir découvert ce qu’était ma passion et vivre d’elle et avec elle. J’étais né pour être footballeur. »

Et le petit Pep prit l’Amor fati par la main. Voyageur aguerri, il partagerait son histoire à qui veut bien l’écouter : « L’autre jour, à New York, où je réside actuellement, je suis allé voir l’Open de tennis et je suis tombé par hasard sur l’ancien entraîneur de Roger Federer, probablement le meilleur joueur de tennis de tous les temps. Du coup, je lui ai demandé comment il était, comment il s’entraînait, comment il faisait ceci, cela, etc. Et il me dit : “Il adore, il adore jouer au tennis. Il est capable maintenant, après avoir gagné je ne sais combien de tournois, de Grands Chelems, de se lever à 2 heures du matin pour regarder un match de tennis d’un tournoi local chinois”. Je lui ai répondu : “Et il regarde tout ?” “Oui, tout, et ensuite, le lendemain matin, il s’entraîne avec un gamin de 17, 18 ans qui lui sert de sparring-partner et puis discute avec lui du jeu, de tennis. Roger adore sa vie, sa profession”. Moi, j’aimerais vous dire à chacun de ne jamais écouter personne, ni vos parents ni vos frères et sœurs ni vos amoureux ou vos amoureuses. Un moment viendra, quand vous irez vous coucher et une fois votre oreiller posé et la lumière éteinte, où vous vous retrouverez seuls. Et à ce moment précis, essayez de découvrir ce que vous aimez réellement. C’est la clé de tout le reste. Mais ce n’est pas facile de savoir ce qu’on aime. Voilà à quoi sert la culture, voilà à quoi sert l’éducation, à quoi servent les processus d’apprentissage. »

Qu’ils se nomment Mozart, Guardiola, Federer, Cruyff, Mourinho, Jobs ou Kasparov, tous ont payé de leur personne pour progresser sur les sentiers de l’excellence. Du travail, de l’étude et une remise en question permanente. Mieux encore, un partage théorique et philosophique de leur art à travers le temps et, surtout, au gré d’un voyage bercé par des luttes éphémères.

En 2005, six ans avant de rejoindre les étoiles avec un peu d’avance sur le « Père du jeu », Steve Jobs prenait la parole devant les étudiants de la prestigieuse université de Stanford. Enjoué et disponible, il se sait pourtant diagnostiqué d’un cancer depuis près d’un an. Face à l’horloge de la vie, Jobs décide alors d’apporter un message bienfaisant à ses disciples. Son temps est désormais limité : « J’ai eu la chance d’aimer très tôt ce que je faisais. J’avais 20 ans lorsque Woz et moi avons créé Apple dans le garage de mes parents. Nous avons ensuite travaillé dur et, 10 ans plus tard, Apple était une entreprise de plus de 4 000 salariés dont le chiffre d’affaires atteignait 2 milliards de dollars. Nous venions de lancer un an plus tôt notre plus belle création, le Macintosh, et je venais d’avoir 30 ans. C’est alors que je fus viré. […] La raison de ma vie n’existait plus. Je restai plusieurs mois sans savoir quoi faire. […] C’était un échec public et je songeais même à fuir la Silicon Valley. Puis, j’ai peu à peu compris une chose : j’aimais toujours ce que je faisais. Ce qui m’était arrivé chez Apple n’y changeait rien. J’avais été éconduit, mais j’étais toujours amoureux. Alors, j’ai décidé de repartir de zéro. Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite, mais mon départ forcé d’Apple fut salutaire. Le poids du succès fit place à la légèreté du débutant et à une vision moins assurée des choses. Une liberté grâce à laquelle je connus l’une des périodes les plus créatives de ma vie ».

Pourquoi tombons-nous, si ce n’est pour mieux apprendre à nous relever ? Malgré ses vieux démons et son caractère de despote, Jobs encourageait les gens à croire en leurs rêves et à ne jamais courber l’échine face aux aléas de la vie. Au bout du chemin se trouverait l’une des plus belles mélodies de l’histoire : « Tout cela ne serait jamais arrivé si je n’avais pas été viré d’Apple. La potion fut horriblement amère, mais je suppose que le patient en avait besoin. Parfois, la vie vous flanque un bon coup sur la tête. Ne vous laissez pas abattre. Je suis convaincu que c’est mon amour pour ce que je faisais qui m’a permis de continuer. […] Votre temps est limité, ne le gâchez pas en menant une existence qui n’est pas la vôtre. Et, surtout, ne soyez pas prisonnier des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée d’autrui. Ne laissez pas le brouhaha extérieur étouffer votre voix intérieure. Et, surtout, ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition. D’une façon ou d’une autre, ils savent déjà ce que vous voulez réellement devenir. Le reste est secondaire ». Souvenez-vous : le plus important, ce n’est pas de devenir le maître du monde. Mais celui de son propre univers… Il faut toujours être précurseur, même dans l’échec.

« La vérité appartient à ceux qui la cherchent, et non à ceux qui prétendent la détenir. »
Nicolas de Condorcet.


[1] Bielsa l’a bien compris, le « bonheur » ne se situe pas uniquement dans l’acquisition de titres, il appartient à ceux « qui se suffisent à eux-mêmes ». « Bielsa est un homme austère, explique Thomas Goubin, biographe de l’Argentin, incorruptible, qui accepte sa souffrance. Le matériel ne l’intéresse pas. Ce n’est pas un hasard, d’ailleurs, s’il apprécie d’échanger avec des religieux. Comme eux, l’entraîneur argentin est un homme en mission, qui vit son métier comme un sacerdoce. » À la manière de Camus, et dans un autre registre, Bielsa essaie « d’exercer au mieux son métier d’être humain ».

[2] Le football n’est pas simplement une activité physique, il s’agit d’un « art mineur » (si cher à Gainsbourg) puisque aucune « initiation » n’est requise pour apprécier pleinement le spectacle proposé. Comme Paul Klee auparavant, grand maître de l’ironie, présenté comme un « peintre mental » par Antonin Artaud, Bielsa nous offre « un plaisir immédiat » et facile à « ressentir ». Un football à la dimension sociale et spirituelle plus que sportive. Il faudrait même voir quelque chose de poétique dans ces « suicides tactiques » évoqués précédemment par Oscar Scalona. « C’est encore plus beau lorsque c’est inutile », disait Cyrano, avec élégance.
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Les verts toujours...

baggio42
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Re: [HS] Management et communication dans le sport

Post by baggio42 »

Très interessant.

Au delà du domaine sportif,le management est une source d'inspiration continue.

Et forcément la communication qu'elle soit directe ou indirecte est primordiale.


Sur le personnage Bielsa: la Glacière et les conférences de presse sans un regard pour les journalistes sont l'essence meme d'une communication.

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