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L'Express :
Saint-Etienne: Gaël Perdriau, un bulldozer à la mairie
Gaël Perdriau et Roland Goujon, vice-président de Saint-Etienne Métropole chargé des sports, lors de la présentation de la nouvelle pelouse du stade Geoffroy-Guichard, en mai dernier.
Pas de répit pour les accros aux réseaux sociaux! Le samedi 19 juillet, comme chaque jour ou presque, Gaël Perdriau poste un message à destination de ses 4884 "amis" sur Facebook. Le sujet du jour? Une photo, prise avec son téléphone portable, qui révèle trois grandes piles de dossiers dangereusement entassés sur un meuble vert. Avec un message: "Bon... Je commence par lequel? De toutes façons peu importe... Il faudra tous les faire!" L'image fait un tabac: 361 personnes "aiment ça" et 125 laissent un commentaire à l'intention du nouveau maire de Saint-Etienne. "Commencez par le mien lol", écrit Sarah M., tandis que Philippe G. lui conseille de débuter "par le pire". A 16h48, Anne-Marie D., qui connaît visiblement l'élu, propose "d'en rajouter deux autres": le problème du stationnement devant son garage et celui des horodateurs qui ne prennent pas la carte bancaire. Gaël Perdriau réplique deux minutes plus tard. "Tu m'envoies un courrier, que je puisse avoir le plaisir de te répondre
" Bienvenue dans la politique du XXIe siècle.
Issu de la droite décomplexée de Jean-François Copé, le nouvel édile, 42 ans, incarne une profonde rupture par rapport à ses prédécesseurs, les discrets et consensuels Michel Thiollière (Parti radical, 1994-2008) et Maurice Vincent (PS, 2008-2014). Une excellente campagne de terrain et le rejet massif du gouvernement socialiste ont propulsé le candidat UMP à l'hôtel de ville. Maintenant, l'ancien cadre commercial chez ERDF doit enfiler les habits de maire, améliorer la qualité de vie de ses administrés et assurer le développement économique du bassin stéphanois. Ce passionné de cyclisme sait que la pente sera raide. Les Stéphanois, eux, l'attendent au tournant. "Par sa personnalité, son dynamisme et ses projets, Gaël a fait naître beaucoup d'espoir, résume Georges Ziegler, troisième adjoint (UDI), chargé de l'action sociale. A nous de ne pas décevoir."
Etablir des priorités pour honorer les 200 engagements de campagne
Plus facile à dire qu'à faire. Près de six mois après l'élection, le changement promis peine à se traduire en actes. Ainsi, il aura fallu attendre le 7 juillet pour que la nouvelle équipe vote son premier engagement de campagne: le recrutement de 40 policiers municipaux supplémentaires. Tout un symbole pour Gaël Perdriau, qui fait de la sécurité une "priorité". Le reste du programme sera mis en route d'ici à la fin de l'année, c'est-à-dire lorsque la majorité aura défini le "plan de mandat" de la ville et de l'agglomération. Mais cette feuille de route se révèle plus difficile à élaborer que prévu. Peu avare en promesses avant le scrutin, l'édile doit trouver comment honorer ses 200 engagements de campagne malgré des marges de manoeuvre financières et politiques réduites. Conséquence: les premiers grands projets seront lancés au plus tôt à la toute fin de l'année, voire au début de 2015, alors que l'équipe espérait à l'origine "entrer dans le dur" dès septembre. "On sent une certaine impatience sur le terrain, admet Gilles Artigues, premier adjoint (UDI), qui supervise, notamment, la politique de la ville. Mais il faut du temps pour lancer la machine et établir des priorités avec tous les acteurs du territoire."
Toutefois, dès son arrivée aux commandes, le nouveau maire a voulu faire table rase de l'ère Vincent. Le grand projet urbain aux Ursules? Abandonné, pour "laisser respirer" les commerçants excédés par des années de travaux dans le centre-ville. Le service public funéraire commun à la ville et à l'agglo, que le socialiste était sur le point de réussir? A la trappe. "Nul besoin d'un poste de dépense supplémentaire quand le secteur privé fonctionne très bien", se justifie l'édile. Issu du monde de l'entreprise, Perdriau affiche un état d'esprit de "manager". Il attend un diagnostic, prévu pour la rentrée, sur le fonctionnement des ressources humaines. L'objectif : réduire l'absentéisme et gagner en efficacité. Quitte à prendre des mesures drastiques. A la fin d'avril, sur la foi d'un rapport soulignant un dérapage budgétaire de 1 million d'euros ainsi que des dysfonctionnements techniques et des tensions extrêmes au sein de l'Opéra-théâtre, l'édile réagit au quart de tour : il met à pied cinq membres de la direction, dont le chef d'orchestre Laurent Campellone, pourtant auréolé d'une belle réputation nationale. L'acte scandalise l'opposition de gauche. Les 12 élus PS, PC, PRG, EELV dénoncent une "violence inédite" et boycottent le conseil municipal du 12 mai. "La situation était intolérable, je ne regrette rien", maintient Gaël Perdriau. Derrière le scandale, le message politique est reçu cinq sur cinq. "Ceux qui doutaient de sa capacité de prendre des décisions sauront que sa main ne tremble pas", sourit un proche.
En attendant, Gaël Perdriau profite de cette période de transition pour accroître sa notoriété et imposer son style. Exit les provocs et les postures de la campagne. "Baby Copé", comme le surnomment ses adversaires, présente son profil le plus rassembleur pour entrer dans le "costume" de maire. Son agenda déborde de rencontres avec les milieux économiques -son principal réseau-, mais aussi culturels, éducatifs et sportifs. Ce quadra hyperactif trouve même du temps pour les événements les plus anodins, comme le pique-nique géant du golf ou les 100 ans d'une administrée. L'occasion de "faire des rencontres" et de poster ensuite lui-même une photo sur Facebook. L'opposition s'agace de cette hypercommunication. "C'est bien de communiquer, mais il faut travailler aussi", fustige Olivier Longeon, conseiller municipal EELV. "Perdriau est un petit Sarkozy, il n'a aucune hauteur. Il reste dans un état d'esprit de campagne et privilégie l'agitation au détriment du fond", ajoute Florent Pigeon, le chef de file des élus PS-PC-PRG. Comme à son habitude, l'intéressé se défend par l'attaque. "Contrairement à mes prédécesseurs, je ne cumule pas ma fonction de maire avec un poste de sénateur. Je peux prendre le temps de rencontrer les citoyens et je n'arrêterai pas sous prétexte que la campagne est terminée", assure-t-il. Son habileté sur le terrain impressionne ses amis. "Gaël est partout très apprécié, les gens sentent qu'il est sincère", se réjouit Eric Bargain, conseiller municipal (sans étiquette) délégué au commerce. Les autres élus suivent le mouvement. A chaque visite de terrain, le maire arrive avec plusieurs adjoints concernés par le dossier du jour. Certains s'en tirent mieux que d'autres, à l'image de Gilles Artigues, grand adepte des bains de foule. Moins efficace que le maire sur Facebook et Twitter, le premier adjoint s'est offert en toute discrétion, le 2 juillet dernier, une formation pour améliorer sa communication sur les réseaux sociaux.
"L'important n'est pas de partir vite, mais de tenir la distance"
Habile politicien, l'édile a composé une équipe en ordre de bataille derrière lui. Sa victoire a réglé -du moins pour un temps- les querelles fratricides qui paralysaient la droite stéphanoise depuis une dizaine d'années. En obtenant l'investiture de l'UMP et le ralliement de l'UDI, ce quadra a brisé les rêves de retour de l'ancien maire radical Michel Thiollière, dont les proches, de moins en moins nombreux, pèsent peu à l'UDI. Son autre rival, Gilles Artigues, déjà candidat dissident en 2008, a lui aussi tenté sa chance... avant de rentrer dans le rang. La campagne, euphorisante, a réconcilié pour de bon les centristes et l'UMP. Si bien que les 44 élus de la majorité (sur 59) ne forment qu'un seul grand groupe politique au conseil municipal. "Gaël a réussi à gommer les étiquettes politiques. Des liens très forts se sont tissés pendant la campagne", raconte Samy Kéfi-Jérôme (MoDem), adjoint à l'éducation et à la petite enfance. Dans ce dispositif, les centristes jouent un rôle clef. Avec les élus non inscrits, ils détiennent l'essentiel des délégations importantes, à l'exception de celle de la sécurité et de la tranquillité publique, qui revient à l'UMP Claude Liogier.
En revanche, seuls 5 adjoints sur 22 disposent d'une expérience municipale. D'où l'importance d'un cabinet efficace pour former et piloter les élus. Dirigée par l'influent Pierre Gauttieri, cette équipe de l'ombre trouve tout juste son rythme de croisière. Depuis la rentrée, chaque conseiller suit personnellement les dossiers de quatre élus. Avec l'arrivée, depuis le début de juillet, de Pierre Gey, le nouveau directeur général des services, la majorité se considère enfin complètement opérationnelle. "Un mandat, c'est comme le Tour de France, philosophe Gaël Perdriau dans un sourire. L'important n'est pas de partir vite, mais de tenir la distance." Les Stéphanois jugeront en 2020 s'il a eu suffisamment de souffle.
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